J’ai osé lancer la frêle barque en pleine mer !
Cette parole est une profession de foi de notre fondateur le Père Paul-Sébastien Millet.
Tout au long de la formation initiale, j’ai été attirée par cette parole de foi sans vraiment comprendre ce à quoi cela pouvait engager réellement et profondément.
Germanaville accueille des personnes handicapées mentales qui ont longuement séjourné plusieurs années dans des établissements de protection contre la violence comme « PIERRE ANGULAIRE ».
Pourquoi y ont-elles resté si longtemps ? Parce qu’elles ne peuvent pas retourner dans leurs familles d’origine : milieu précaire et dangereux. La plupart désire vivre en dehors des établissements, mais pourquoi sont-elles venues à Germanaville ? Parce qu’elles ne peuvent vivre seule ou en petits groupes sans qu’il y ait des aides adéquates selon les besoins et les désirs de chacune. Elles ont besoin de faire des apprentissages concrets et réels pour réaliser leur projet. Germanaville est un lieu de transition avant de réaliser leur vie plus autonome en dehors de l’établissement. Cependant, il ne suffit pas d’avoir un lieu d’habitat, mais plutôt apporter une présence de personnes, de manière durable, qui comprennent leur handicap mental et qui compatissent à leur souffrance qui longtemps « mal soignées et délaissées soit par défaut d’intelligence, soit par défaut de tout… ». Cette expression est extraite du récit de la fondation par Mère Bernard.
Heureusement l’expérience de vie à « PIERRE ANGULAIRE » leur a permis d’avoir un rêve, un défi à tenter et oser reconstruire une nouvelle vie. Elles ont appris à s’autoriser à vivre autrement en laissant le passé… Elles ont fait toutes une belle expérience d’amour, de foi et d’espérance. Et elles continuent de le faire à G ermanaville en s’adaptant à nouveau au lieu et aux différentes situations qu’elles rencontrent.
A Germanaville, elles ont eu trois printemps, deux étés, deux automnes et trois hivers sous la protection de Sainte Germaine, patronne des enfants maltraités. Dans la journée, toutes partent au travail. Les soirées sont organisées par des activités et de différents apprentissages hors établissement selon le désir de chacune : courses, cuisine, gymnastique, cours de pâtisserie, cours de beauté cosmétique, cours pour le permis de conduire… Notre équipe soutient à réaliser leur désir afin qu’elles expérimentent, autant que possible, une vie « normale » et une vie « ordinaire » comme les autres. Il n’y a pas d’échec, mais il existe que des essais et des défis pour une vie plus heureuse aujourd’hui et demain… Récemment, Françoise vient d’obtenir le permis de conduire et son motif était de venir en aide pour des personnes qui ont besoin de se déplacer.
Elle est reconnaissante des aides qu’elle a reçues. Elle désire rendre service à son tour. Depuis le mois de février dernier, Sabine, Françoise et Suzanne vivent dans la « maison d’expérience » du dimanche au vendredi, située en centre ville. Parmi dix résidents, les sept ont voulu faire cette expérience. Nous avons sélectionné d’abord trois personnes pour commencer. Une personne les accompagne pour les soirées et parfois les nuits selon leurs besoins : visites médicales, gérer l’argent, faire des courses puis d’autres désirs qu’elles réclament, suivi d’une réunion hebdomadaire. Une autre résidente Régina vient d’obtenir son petit appartement. Elle est sortie cette semaine.
Notre équipe travaille avec des personnes pluridisciplinaires apportant des aides indispensables et nécessaires pour que son choix de vivre seule à son domicile puisse se réaliser dans les meilleures conditions possibles. Depuis l’ouverture de Germanaville, nous constatons que pour nos résidentes, il y aura plusieurs modes de vie autonome. Nous constatons également que pour la réalité d’aujourd’hui, il n’y a pas vraiment de ressources prévues par l’Etat. Donc cela demandera beaucoup de temps, surtout dans le respect des choix de chacune. D’abord, elles ont besoin de faire des expériences de vie d’autonomie dans les divers domaines, puis elles choisiront plus tard le modèle de vie qu’elles préféreront : soit vivre dans des établissements, soit vivre trois ou quatre ensemble, soit vivre seule ou tout autre mode de vie qu’elles souhaiteront. Je suis émerveillée de voir ces résidentes : « des vraies rescapées de la vie » – un témoignage en actes par leur défi quotidien dans des apprentissages pour vivre au sein de la société loyalement dans la dignité ! Ce sont elles qui « osent lancer leur
frêle barque en pleine mer naviguant coûte que coûte vers la Vie ! ».
Que Notre Dame de Bon Secours marche avec nous sur nos chemins de foi ! Ils sont chemins vers Dieu, vers la VIE en abondance !
Sœur Rufina