Nos racines

La congrégation est fondée le à Arcis-sur-Aube par l’Abbé Paul-Sébastien Millet (1797-1880) pour remédier au dépérissement de l’esprit de foi et de famille quand un membre de la famille était malade. Elle est reconnue par les autorités civiles le .

L’Abbé Paul-Sébastien Millet, un prêtre fondateur

Un prêtre fondateur

Le père Paul-Sébastien Millet est le fondateur de la Congrégation de N. D de Bon Secours de Troyes qui vit le jour en la fête de l’Annonciation, le 25 mars 1840.

Il naquit dans un petit village champenois, le Mériot, le 21 mai 1797, dans les remous de la Révolution française. Il entre au Petit Séminaire de Troyes, le 12 janvier 1816. Il est ordonné prêtre le 31 août 1823. Il devient vicaire d’Arcis sur Aube, le 1er juin 1824.

Il a regardé les gens de son temps en homme de Dieu. Il a découvert que les malades de toutes catégories sociales manquaient de soins efficaces et étaient souvent abandonnés dans les campagnes mais aussi dans les villes. Mal soignés, la mort était précoce et la cellule familiale se détériorait rapidement, tant au niveau de la cohésion de la famille qu’au niveau de la vie de foi.

Il fut inspiré de fonder une congrégation de religieuses qui, selon lui, pourraient porter remède au dépérissement de l’esprit de foi et de la famille, par la garde et le soin des malades à  domicile, dans un service gratuit.

Aujourd’hui, les mêmes formes de pauvreté existent encore dans notre société, c’est pourquoi l’intuition du Père Millet est toujours d’actualité.

"J'étais malade et vous m'avez visité"

En contemplant le Christ mort et ressuscité, inspiré par l’Esprit Saint, le Père Paul-Sébastien MILLET, notre Fondateur, cherche à  se conformer au Christ Jésus et répondre à  l’appel reçu : « Procurer le soulagement des membres souffrants du Christ ».

C’est la foi en cette parole de Jésus : « J’étais malade et vous m’avez visité » (Mt 25, 36) qui a enfanté la Congrégation de Notre Dame de Bon Secours de Troyes.

Le but essentiel de la Congrégation est de venir en aide aux malades et à  leurs familles, voulant par-là  manifester l’action même du Christ qui guérit les malades et annonça aux pauvres la bonne nouvelle du Salut, et ainsi remédier au dépérissement de l’esprit de foi et au dépérissement de l’esprit de famille.

« Venir en aide à l’humanité souffrante, compatir, prendre soin, soulager », l’intuition du Père Millet a toujours sa raison d’être aujourd’hui pour les membres souffrants du Christ, selon l’esprit qui nous caractérise : charité, humilité, simplicité.

La Soeur du Bon Secours donne les soins aux malades et rapporte tout à  Jésus qui lui dit : « Ce que vous faites aux plus petits des miens, c’est à  moi que vous le faites ! »

C’est pourquoi quand elle voit son prochain malade, il lui semble voir Jésus. A cause de cela, il lui est plus facile d’être proche des souffrants car c’est le Christ lui-même qu’elle soigne.

Cet esprit de compassion vécu au quotidien se manifeste par l’attention et le respect de l’autre dans la situation qu’il vit, c’est croire et espérer en lui malgré ses faiblesses et sa vulnérabilité, parfois même s’associer à  sa révolte pour en révéler le vrai sens.

Un coeur sur la main

La tendresse d’un père

Cinq enfants dont la mère était dangereusement malade se précipitaient toujours à la rencontre de Monsieur Millet. Démarche sans doute fort intéressée, car jamais le vicaire ne venait sans quelques gâteries.

– « Bonjour Monsieur Millet » criaient à  tue-tête les enfants
– « Bonjour, mes grands » leur répondait-il ! et il marquait chacun, d’un geste amical en effleurant les têtes de sa main.

Mais un jour, la petite bande fut consternée. Le vicaire avait répondu à  leur salut et il s’en était tenu là. Anxieux, ils le suivent à  la maison, où, à  peine entré, l’abbé dépose sur la table un volumineux paquet qu’il avait en chemin dissimulé sous son vêtement : une paire de draps, une pièce de boeuf pour le pot-au-feu.

Les marmots n’en étaient que pour leur courte inquiétude !

Il donne tout

Un autre fait, qui se passa sur la route de Villette, près du port à  charbon où est bâtie actuellement la gare du chemin de fer, est peut-être plus touchant encore.

« C’était en 1837, j’avais alors neuf ans, raconte un témoin oculaire, je vis revenir un jour de semaine l’abbé Paul. Il marchait vite et comme s’il ne voulait pas être arrêté. J’allais à  lui quand même pour le saluer ; il me répondit par un bon sourire en poursuivant son chemin. M’apercevant alors qu’il n’avait pas de chaussures, je cours le dire à  mon oncle, sacristain :

« Ce bon Monsieur Millet, me dit-il, donnera bientôt sa chemise ; il donne tout ! Quelle charité ! Le Bon Dieu lui réserve quelque chose : c’est un saint prêtre »

Le coeur sur la main

Une fois, la seule, peut-être, en 1829, par suite d’une circonstance extraordinaire, il se trouva en possession d’un avoir. Il en fut embarrassé !

Peu longtemps, il est vrai, M. Boigegrain, curé de Pargues et fondateur de la Communauté de la Providence, avait besoin d’un capital. L’occasion était trop bonne. Monsieur Millet la saisit et, par un courrier adressé à  son confrère, il met à  sa disposition une somme de six cents francs sans le moindre intérêt.

Ce geste généreux valut au vicaire d’Arcis une lettre du vénérable vieillard qui, après lui avoir exposé ses difficultés et exprimé sa reconnaissance, lui disait :

« Permettez que je vous renouvelle mes sentiments pour tant de services rendus à  un misérable, très indigne de votre affection qui m’est chère ; veuillez y ajouter le souvenir de mes innombrables besoins lorsque vous montez au saint autel. »

Quant à  lui-même, il se découvrait toujours avec du superflu. Aurait-il pu être si généreux s’il ne s’était privé extraordinairement !

Il portait des soutanes rapiécées, râpées, raccommodait indéfiniment ses sous-vêtements, qui le quittaient plutôt qu’il ne les laissait. Son chapeau passait du noir au roux. Peu importait ! Il fallait être habile pour le lui remplacer. Plus tard, quand il quittera Arcis, il reprochera doucement à  Madame Millet, sa belle-soeur, de lui avoir fait faire une douzaine de chemises, alors qu’il n’en avait plus aucune : « Trois auraient suffi, dit-il. »

Des femmes audacieuses

Mère Augustin

Une femme, une religieuse, une soeur de Bon Secours

Zoé-Célina PETIT DUPERCHOY nait le 13 janvier 1817 à  Chaource (AUBE). En 1840, elle entre au Bon Secours. Le 23 septembre 1844, à  la fin de la retraite spirituelle, elle est élue Supérieure générale. Elle n’a que 27 ans. La tâche est difficile parce que ce sont les commencements.

Elle porte le poids des premières années du Bon Secours, tout est à  organiser dans une pauvreté extrême. Le père Millet ne veut pas que l’on demande une rétribution des soins. Il faut alors réduire tout ce qui est nécessaire à  la vie. Elles restreignent donc les dépenses au maximum. La santé de Sr Augustin souffre fort de cet état des choses. Cependant, elle est à  tout, pourvoit à  tout. Il vient assez de jeunes filles mais peu restnt. Et il faut pourtant répondre aux besoins par un surcroit de travail.

La règle prévoit que toutes les soeurs soignent les malades et la Supérieure générale ne s’en estime pas dispensée. Elle assure les gardes, une nuit sur deux. Lorsque le choléra sévit dans l’Aube, plusieurs soeurs sont atteintes. Mère Augustin ne cesse de soutenir les infirmières et paye de sa personne. De même, l’aménagement définitif de la Maison Mère, rue du Cloître St Etienne est pour elle un bien lourd fardeau.

Mère Augustin, dès le 15 janvier 1850, est prise d’une grosse toux. Elle n’en continue pas moins sa vie fort pénible : elle assure encore une garde toutes les deux nuits, et à  Pâques elle passe encore la nuit auprès d’un malade. Mais ses forces diminuent, on lui enjoint de se laisser soigner. Cependant la consultation du Docteur à  Paris est sans résultat. L’état de la malade est alarmant.

Ce lundi de la Pentecôte, Soeur Bernard, sa bonne compagne de Ramerupt, chargée de la prévenir de la gravité de son état, est de suite comprise. La mère Augustin saisit son crucifix, remercie Sr Bernard et en se recueillant lui dit  « Je vous comprends, je dois me préparer à  la mort car le moment approche. Je ne regrette qu’une chose, c’est d’avoir si peu de temps pour réparer le mauvais emploi du passé. Mon Dieu, que vous êtes bon ! ».

A partir de ce moment, sa préoccupation est de se préparer à ce grand jour. Le père Millet ressent de la peine plus que toutes. Il la sait depuis toujours bonne, sage respectueuse. Et depuis six ans, il l’apprécie comme Supérieure : son jugement solide et prudent, son intelligence et son dévouement lui faisait conduire la Congrégation encore fragile avec habilité malgré son jeune âge. Il tremble pour l’avenir. Après tant de violents orages, le ciel s’est éclairci puis un nouveau coup de foudre qui le fait s’exclamer : « Grand Dieu, qu’allez-vous faire ? »

« Que je suis heureuse, je vais donc bientôt voir mon Dieu. Oh ! Qu’il me tarde que ce moment arrive ! Oh oui ça va finir. Mon Dieu, je vous aime ! Mon Dieu j’espère en vos miséricordes. Pard… ».

Elle ne put achever. C’était le mardi 3 septembre 1850 vers 19h. Elle était âgée de 33 ans.

Physionomie spirituelle de Mère Augustin

Dans le sillage de ses Saints protecteurs, les Saints pénitents: Jean Baptiste, Pierre, Paul, Marie Madeleine, Augustin, Thérèse …

De ses notes spirituelles:

Pécheur, mais pécheur pardonné. Elle avait tant demandé de se convertir au même âge que lui (St Augustin). « Mon Dieu je vous demande pardon ! J’ai un extrême regret de vous avoir offensé. Mon Dieu, je ne veux plus vivre comme j’ai vécu. Quand j’aurai commis une faute, ne pas m’en inquiéter, j’en demanderai pardon à  Dieu, puis je m’en humilierai (…) i je ne me défie pas de moi-même, je me perdrai. Je suis aveuglée par mon orgueil, ma présomption, par l’amour de moi-même. Je ne veux plus vivre comme j’ai vécu… Que mon abime de misères attire votre abime de miséricorde ».

La croissance spirituelle.

« Avec votre grâce, je me charge de ma croix et je vous suis. Je veux me défier de moi-même, je veux renoncer à  ma volonté. D’où viennent mes peines ? De mon amour propre. Je me ferai souvent cette question : Qui es-tu ? Et je répéterai souvent : que tous croissent et que je diminue ».

La volonté de Dieu.

« Je n’aurai d’autre volonté que celle de mon Dieu, que je saurai la reconnaître dans celle de mes supérieurs, ne voulant faire que votre Sainte volonté ». Elle ne désirait que la volonté de Dieu, ne voulant ni hâter, ni tarder l’heure.

Le devoir.

Il lui est demandé d’accompagner un malade à  Paris. Elle aurait aimé connaître la capitale, ne voulut pas le faire sans un ordre du Père Millet pour ne pas satisfaire ses goà»ts au détriment de ses devoirs. Lors d’une retraite, parmi les résolutions prises, il y eut : en premier, « l’exactitude à  remplir tous mes devoirs; en second, quelques soient les dégouts que j’ai pour les pratiques de piété, je ne m’en abstiendrai point à  moins que mon devoir m’appelle ailleurs ».

L’esprit de Foi.

« J’étais malade et tu m’as visité. »

« Prendre soin de l’humanité souffrante. »

« Si je suis appelée au soulagement du malheureux, du malade, je courrai pensant que c’est mon Jésus que je vais visiter, panser, secourir, soulager… »

Le service de l’autorité.

« Coeur sacré de mon bien aimé Jésus, ayez pitié de moi, Coeur de Marie, mon refuge, priez pour moi. C’est dans vos sacrés coeurs que je dépose la charge qui m’est confiée. Quand j’aurai quelque chose à  faire observer à  nos soeurs, ce sera les yeux baissés, parlant avec beaucoup d’humilité, de charité et de douceur, cherchant à  les excuser s’il est possible avant de les reprendre. Si elles ont de la peine, je ferai tout mon possible pour les consoler. Si elles ont quelques petites difficultés entre elles, je les concilierai, je tâcherai d’unir les coeurs, je les reprendrai toutefois qu’elles manqueront, je serai ferme à  exécuter la Règle et je tâcherai que mes soeurs y soient exactes. Je me regarderai la dernière de toutes; moi indigne d’être admise avec elles, je veux être leur servante. »

 

Sœur Simplice

«  O mon Dieu, faites que les enfants pour qui je meurs soient de bons chrétiens !… Mon sacrifice est fait… »

Le mercredi 19 Septembre, cinq enfants sortaient du château des Feulardes pour aller en promenade. Ils avaient une religieuse de Bon Secours de Troyes qui avait, pendant une longue maladie, donné des soins au plus jeune des frères. Etant en mission, cette sœur avait suivi son malade à son départ de Paris pour surveiller sa convalescence. Les enfants aimaient d’une égale affection leur infirmière dévouée et ne pouvaient la quitter.

Elle devait ce jour-là, le leur montrer mieux qu’en paroles : 

Les cinq enfants sautant, riant, étaient arrivés jusqu’à l’extrémité de la grande avenue du château. Ils allaient entrer sous la futaie de sapins lorsque, tout-à-coup, la plus âgée de la bande s’arrêta :

 «  Oh ! Le vilain chien, dit-elle !…

Tous les regards se portent sur le point qu’elle indique. Sur le bord de l’allée, un chien noir, hérissé, la tête allongée sur la terre, était couché et les fixait d’un œil morne qui, par instant, s’éclairait de reflets fulgurants. La sœur réunit les enfants, veut leur faire rebrousser chemin, mais le chien se lève, la gueule ouverte et s’élance en poussant des hurlements sinistres et rauques :

Fuyez, crie la religieuse aux enfants. Et, elle, au lieu de fuir, court au-devant de la bête furieuse qui se précipite sur elle, la mord et la déchire. N’ayant rien pour se défendre et voulant arrêter l’animal à tout prix, la sœur saisit de ses deux mains les mâchoires baveuses, les tient écartées avec une force doublée  par la terreur de voir le chien lui échapper pour courir après les enfants. Sans songer à elle, elle crie aux petits :

«  Quittez la route… entrez dans le bois pour qu’il ne vous voie plus. »

La lutte continue, la bête hurle et ne cesse de déchirer la victime dont les forces s’en vont. Les enfants qu’elle veut sauver ne sont pas hors d’atteinte :

«  Mon Dieu, s’écrie-t-elle, donnez-moi la force qui me manque ? »

Et, tombant à genoux pour s’arc-bouter à la terre, elle lâche les mâchoires et ouvre les bras pour étreindre en plein corps son épouvantable ennemi. Celui-ci dompté, renonce au combat et s’enfuit. Alors seulement, voyant ses mains sanglantes, ses doigts déchirés et meurtris, cette héroïne du devoir sentit qu’elle était femme… elle s’appuya contre un arbre et pleura.

Bientôt l’affreuse vérité était connue…Tout le château était en larmes. Rien de ce qui pouvait et devait tenter la prudence ne fut épargné. La sœur se laissait faire en disant ;

«  Je suis perdue, je le sens ? Que la volonté de Dieu soit faite ! J’ai fait mon devoir.

Après des soins sous forme de brûlures faites par le docteur au fer rougi à blanc, elle manifesta le désir de retourner dans sa communauté. Vingt jours plus tard elle commença à éprouver  des contractions nerveuses. Le 15 Octobre jour de la fête de Ste Thérèse,  elle demanda le sacrement des malades. Ce fut dans la plus douloureuse de ces crises qu’elle fit cette prière :

 «  O mon Dieu, faites que les enfants pour qui je meurs soient de bons chrétiens !… Mon sacrifice est fait… »

Le lendemain, à une heure de l’après-midi, elle perdit connaissance et s’endormit ici-bas pour ne s’éveiller qu’au ciel.

 

Soeur Mary Nety

Les recherches sur le Père Millet m’ont permis de découvrir cette lettre de notre Fondateur, adressée aux communautés suite à la mort de Sœur Marie Néty. Quelle belle lettre où il exprime sa foi et l’ardeur de la vie donnée de la première Sœur de Bon Secours !

Sr Marie-Dominique

Lettre circulaire aux Sœurs de Bon Secours à l’occasion de la mort de Sœur Marie – Rome, le 18/10/1862

Mes chères Sœurs,

Un de ces coups qui me frappent si souvent depuis que je suis loin de vous vient de faire à mon pauvre cœur une plaie plus large encore !

La Sœur Marie est morte… Elle est morte loin des siens et comme abandonnée du ciel et de la terre ! Plus d’une fois en lisant la vie des saints, nous avons remarqué cette conduite de Dieu à leur égard et nous avons adoré ses desseins ! Ici faisons de même. Permettez-moi pourtant quelques réflexions, c’est un besoin pour moi autant qu’un devoir. La Sœur Marie, dès le berceau, rêvait la vie religieuse, ses instincts la portaient à la vie active, à la vie des bonnes œuvres. A l’âge où les petites filles commencent à courir après les vanités, on la voyait courir avec un zèle d’apôtre après les brebis égarées.

Bientôt les affligés, les malades, surtout les pauvres deviennent l’objet de sa prédilection, ses soins de la nuit et du jour leur sont assurés !

C’est dans l’exercice de ces œuvres de la plus belle des vertus que je me suis adressé à elle il y a 23 ans pour la prier de m’aider à poser la première pierre de l’édifice du Bon Secours.

Depuis, vous savez si elle s’est démentie, si l’âge, les infirmités, la faim, la soif, les haillons, le choléra, les épidémies, vous savez si rien a été capable d’arrêter son zèle pour les malades et les malades de sa prédilection, les pauvres.

Si elle a donné dans les excès, c’est dans ceux de la pauvreté et de la charité or, ce sont vous le savez, les deux caractères qu’on doit lire sur le front du Bon Secours !

Mes Sœurs ; mourir à son poste, c’est mourir au champ d’honneur ; c’est mourir en brave ! C’est mourir en fondatrice de gardes-malades !

Mourir au chevet de son malade à 70 ans, c’est laisser aux sœurs un grand exemple de dévouement et imprimer au front du Bon Secours un grand rayon de gloire !

Si le ciel, sans doute, ne lui refuse encore la satisfaction de voir couronner bientôt son Bon Secours, que pour se donner le plaisir de commencer par la couronner elle-même !

Elle a droit à nos suffrages, la prière, peut-être la plus efficace que nous puissions faire, c’est d’imiter cet esprit de simplicité et de charité, c’est de bien vivre, si nous voulons bien mourir !

C’est ici la source de toutes les grâces, je prie le Seigneur de les répandre sur vous en abondance.

Paul Sébastien Millet

Soeur Blandine

Sœur Blandine, morte d’épuisement au service des blessés en 1914.

Dès le 4ème trimestre 2013, la Congrégation a été contactée par un membre de la Société Sciences et  Arts de Vitry Le François au sujet de Sœur Blandine et Sœur Marie-Alexandrine appartenant à la communauté de Vitry et citées dans des journaux conservés aux Archives Départementales de la Marne pour avoir participé aux soins des blessés durant la guerre de 1914-1918.

Dans le dossier de Sœur Marie-Alexandrine, qui s’est très certainement dévouée au service des blessés, aucun document ne relate sa vie. Par contre, dans celui de Sœur Blandine, j’ai trouvé le journal « Le Nouvelliste » du 21 octobre 1914 dont la première page est consacrée à ses obsèques.

Quelle découverte et quel émerveillement à la lecture de ce document ! Je me trouvais devant une sainte Sœur de Bon Secours dont je n’avais jamais entendu parler et mon désir a été de vous la faire connaître afin de rendre grâces à Dieu et de la prier…

Extrait du journal « Le Nouvelliste » du 21 octobre 1914 dont la première page est consacrée à ses obsèques.

« Les obsèques de Sœur Blandine ont eu lieu dans la matinée d’hier…..C’est un membre de la grande famille vitryate qui disparaît avec la religieuse qui fut nôtre pendant trente-six ans de sa trop courte vie… Nous ne citerons aucun nom parmi ceux qui formèrent le cortège d’honneur de la vénérée défunte mais nous sommes sûrs que la peine des religieuses de Bon Secours a été bien atténuée par la vue de cette foule impressionnante composée de tous les âges, de toutes les conditions et de tous les partis… Le monde militaire a donné une preuve de la vénération qu’il lui témoignait : les soldats pleuraient celle qui, au jour du danger, avait veillé à leur chevet, les médecins-chefs, celle qui les avait si bien secondés dans leur délicate et noble tâche… Notre reconnaissance durera et souvent, sur sa tombe, nous en donnerons l’assurance à la famille des Sœurs de Bon Secours en redisant à Dieu : Requiescat in Pace. »

Extrait de l’hommage rendu à Sœur Blandine par l’Archiprêtre au prône de la Messe paroissiale le dimanche 18 octobre 1914 :

« …je dois un hommage à celle que, sa piété, sa bonté, sa douceur, son dévouement ont rendue si populaire à Vitry. L’hommage : Oh ! Il sera bien simple : Sœur Blandine, pendant 36 ans, justifia parfaitement, au service de tous, son nom de : Sœur de Bon Secours.

La charité la fit vraiment notre sœur… Envoyée à Vitry en 1879, elle avait 20 ans. Pendant 36 ans, elle se montra vraiment sœur des pauvres… sœur des riches… également aimée des uns et des autres. Sa simplicité s’adaptait merveilleusement à tous les milieux. La noblesse naturelle de ses manières, sa dignité de caractère la faisaient l’égale des plus élevés. Sa bonté, sa douceur l’inclinaient vers les plus humbles, les plus petits… J’ai bien connu son âme, je n’y ai jamais saisi que deux craintes : la crainte de s’éloigner de Dieu par le péché et celle d’être éloignée de son Vitry soit par ordre des supérieures, soit par la persécution… Jeudi dernier, quand je lui eus administré le Sacrement de l’Extrême Onction, elle me dit : « N’est-ce-pas que je ne mourrai pas encore ? Je voudrais tant faire encore un peu de bien à Vitry ! » N’ai-je pas raison de vous dire que Sœur Blandine fut vraiment pour nous une bonne sœur ?… Héroïque simplement, sans le savoir, elle s’est dévouée à nos blessés, dés le début de la guerre, à l’hôpital auxiliaire de la Croix-Rouge. Lors de la terrible soirée du 5 septembre, les blessés, quelques-uns mourants, nous arrivaient de Couvrot. Plus de formations sanitaires pour les recevoir. Là, dans la rue, sur le trottoir, sous les obus, aux dernières lueurs du jour, votre curé, son vicaire, les sœurs de charité et quelques personnes courageuses s’essaient en pleurant, à des pansements de fortune….. Enfin la porte de l’hôpital s’ouvre. Mais pour soigner les blessés il fallait des cœurs dévoués et des mains expertes. J’envoie chercher Sœur Blandine. Elle accourt….. Et sans relâche, depuis lors, elle se dépense à l’hôpital où nous eûmes jusqu’à 500 blessés. Et elle y est tombée, comme le soldat au champ d’honneur, victime de son dévouement, martyre de la charité et du patriotisme. Dans ses derniers jours, sa supérieure et son curé la suppliaient de prendre un peu de repos, en montrant, en souriant, ses salles remplies de blessés, elle dit simplement : « Est-ce-que je puis abandonner ces pauvres enfants ? » Sœur Blandine reste au poste de dévouement pour Dieu et pour la France… Pie Jesu, dona ei requiem sempiternam !  

Discours de Mr Paillard, Président de la Commission spéciale

« Ma bonne sœur Blandine, votre tâche est accomplie. Dieu vous a rappelée à Lui, et la peine que nous cause votre mort domine toutes les tristesses dont nous sommes accablés.

Vous étiez si belle et si noble dans votre amour des pauvres blessés et des malades. Vous étiez si grande dans votre modestie, si douce et si pure dans votre amour de Jésus notre Dieu. Vous inspiriez naturellement le respect et l’admiration à ceux qui étaient l’objet ou les témoins de vos bons soins. Pendant 36 ans, vous avez versé sans compter les trésors de votre charité sur ces familles de Vitry que vous avez faites vôtres. Vous nous avez donné votre vie toute entière. Au nom de la ville de Vitry Le François, au nom de tous ceux qui aiment notre pays et honorent la vertu, je vous adresse ma bonne sœur Blandine, le suprême hommage de notre reconnaissance et de notre vénération. Votre souvenir restera dans nos cœurs et fera vivre en nous l’espérance de vous retrouver un jour là où vous êtes, dans le séjour des Saints près de Dieu. »

En vous livrant ces écrits sur Sœur Blandine, je pense aux nombreuses Sœurs de Bon Secours qui, là où elles vivaient, se sont dévouées au service des blessés, des familles éprouvées par les deuils et ont accomplis tant d’actions de charité. Faisons mémoire d’elles et confions à leur prière tous ceux qui se dévouent aujourd’hui, dans les pays en guerre, pour venir en aide aux blessés et aux populations sinistrées.

Sr Marie-Dominique THIEBLEMONT

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