Sœur Aurélie Allouchéry est religieuse de la congrégation Notre-Dame de bon secours à Troyes, en France. Engagée depuis près de 20 ans dans sa communauté, elle se consacre aux malades auprès desquels elle exerce comme aide-soignante.
Entretien avec Sœur Aurélie Allouchéry
À l’occasion de la 32e Journée mondiale des malades ce dimanche 11 février, nous vous proposons le témoignage de sœur Aurélie Allouchéry, de la congrégation Notre-Dame de Bon Secours de Troyes, une congrégation qui décrit sa mission en trois mots: compassion, guérison et libération. Elle se croyait destinée à une vie de famille avec des enfants, et à une carrière professionnelle dans l’enseignement. Elle revient sur sa vocation, sur le cheminement qui l’a d’abord amenée à la vie religieuse, puis à l’accompagnement des malades.
En réalité, je fréquente l’Église depuis mon enfance. Mes parents m’ont toujours encouragée à aller à la messe le dimanche. Maman enseignait le catéchisme et je faisais partie d’une association d’aumônerie. À l’âge de 25 ans, après une jeunesse bien vécue, la question s’est posée. Quel était cet appel? Qu’est ce qui allait me rendre heureuse? Donc, j’ai participé à une année de discernement proposée par le diocèse de Reims. Elle s’est terminée par une retraite à l’issue de laquelle la réponse était claire: c’était vraiment le désir de donner ma vie au Christ, toute ma vie, tout ce que je suis, tout mon être.
Je me suis sentie attirée par Dieu. Par contre, j’avais beaucoup d’a priori par rapport à la vie religieuse et aux religieuses que je rencontrais et que je trouvais plutôt vieillissantes, pas très à la mode, enfin pas très attirante. C’est vrai aussi qu’en participant à cette retraite, je n’avais absolument pas idée du choix de vie que j’allais faire. J’étais plutôt orientée vers le mariage, avec une vie conjugale et des enfants, plein d’enfants. Et finalement, non. J’ai choisi la vie religieuse. C’est cet appel de Dieu, cet amour très fort pour moi, ressenti au cours de cette retraite qui m’a attiré à lui et qui m’a fait renoncer à toute cette vie que j’imaginais être la mienne.
Votre vocation était-elle dès le départ d’être au chevet des malades?
Non, pas du tout. Ce n’était pas du tout mon une attirance. Je ne pensais pas être dédiée à cet apostolat. Je venais de l’enseignement, et je pensais être plutôt dans le monde de l’éducation spécialisée dans l’accompagnement des enfants, mais à l’extérieur de l’école. Mais, le fait de rencontrer les Sœurs de Notre-Dame de Bon Secours de Troyes m’a fait vraiment changer de perspective. J’étais sûr que c’était par là que j’allais donner le meilleur de moi-même. J’avais une petite expérience à Lourdes, à l’hospitalité des malades, je faisais la semaine de pèlerinage avec les malades pendant les vacances scolaires, mais sans jamais penser à devenir religieuse, d’une part, et en plus au chevet des malades.
L’intention de prière du Pape ce mois-ci est pour les malades en phase terminale. Que comporte l’accompagnement de ces personnes? Qu’est-ce que vous donnez? Qu’est-ce que vous recevez?
Je pense personnellement que c’est vraiment la figure du Christ compatissant qui m’habite. Chaque fois que je me rends au chevet des malades, c’est vraiment une invocation à l’Esprit que je fais pour qu’il passe à travers moi. C’est cette prière qui rayonne à travers moi pour être cette Présence. Alors, en tant qu’aide-soignante, c’est une présence qui qui se concrétise par des gestes très simples de soins. Mais c’est aussi, l’observation de l’environnement, de la personne, de l’entourage aussi. Au chevet des malades, il y a une pluralité d’aptitudes qui sont mobilisées dans chaque soignant. Le fait d’être habité, d’invoquer l’Esprit, permet autant que faire se peut, d’être totalement présente et de laisser passer le Seigneur à travers mes gestes. Quant à l’accompagnement en fin de vie, je dirais qu’il est identique à l’accompagnement d’une personne malade, qui vient d’apprendre un diagnostic grave, ou d’une personne âgée qui a du mal à accepter sa dépendance. L’accompagnement réclame vraiment une présence totale et une grande écoute pour que l’on soit ajustée au plus près des besoins du souffrant.
Les sœurs de Notre-Dame de Bon Secours sont en quelque sorte l’expression de la tendresse de Marie envers son Fils, la tendresse d’une mère. Comment s’exprime cette tendresse dans votre mission?
Si je suis venue au métier ou à l’apostolat d’aide-soignante, c’est justement pour parler à travers mes gestes et être cette tendresse qui vient consoler, qui vient soulager et qui guérit parfois. Pas forcément au sens où on l’entend, mais qui fait du bien. La mission des sœurs de Notre-Dame de Bon Secours, c’est vraiment recueillir le corps dans ses bras et lui apporter tous les soins dont il a besoin pour à la fois retrouver une dignité, mais aussi honorer ce temple qu’est notre corps.
Sœur Aurélie, vous avez parlé à la fois de “métier“ et “d’apostolat“. Vous êtes aide-soignante et religieuse. Cette mission de prendre soin des malades, des personnes en situation de vulnérabilité, c’est votre vocation de religieuse. Est-ce que, selon vous, la société civile est en mesure aussi de prendre soin des plus vulnérables?
Tout dépend ce qu’on entend par la société civile. Moi, je vous parle de là où je suis, c’est à dire d’un service de soins à domicile avec une chef de service, avec des collègues. Je peux affirmer que mes collègues, l’encadrement, ont ce réel souci d’accompagner la personne vulnérable, de soulager de cette dignité, d’aller jusqu’au bout. S’il faut ensuite aborder les questions de fin de vie, évidemment, je pense qu’on manque de moyens, de maisons, de moyens financiers, de moyens humains pour permettre au plus grand nombre de vivre la vie jusqu’au bout, dignement. Me concernant, je ne suis pas suffisamment engagée dans les instances politiques pour me prononcer au-delà. Cependant de mon point de vue, je peux dire que les personnes que je côtoie sont vraiment attentives et réclament davantage de moyens, davantage de temps pour permettre aux personnes de vivre jusqu’au bout et de les soulager.